Notre voyage en famille de 6 mois en Amérique du Nord

Publié le Catégorisé comme Actualités

(Jean-Michel)
Un rêve de longue date, devenu un projet, d’abord vague, avec seulement l’idée de partager une expérience hors du commun et loin de notre routine. Le but est d’offrir à nos enfants (Noé, 13 ans et Florentin, 12 ans), l’opportunité de « voir le monde de leurs propres yeux » et de leur laisser des souvenirs inoubliables d’une aventure familiale particulière. 

Nous avions d’abord choisi la Scandinavie comme destination, puis, l’envie de voir plus grand et plus loin nous a fait opter pour les USA, pays dans lequel nous avons fait une incursion de trois semaines et demi en 2016… et que nous avions adoré. 

On passe les détails des longs préparatifs, tant du voyage en soi que l’organisation avec l’école des enfants, nos jobs respectifs, la location de notre maison et l’obtention des visas de 180 jours. 

La date est fixée au 15 avril 2022, soit au début des vacances de Pâques. Ma maman et un ami de Jocelyne nous accompagnent à l’aéroport de Genève. Séparations émouvantes. À peine les avons-nous quittés que l’aventure commence. Notre avion pour Londres accuse un retard de plus d’une heure. Résultat, nous ratons notre vol transatlantique pour Seattle. On nous « met » sur un vol pour San Francisco, vol interminable de 10h30 mais magnifique, qui nous offre la chance de voir la côte glacée du Groenland puis la banquise en plein dégel. Tellement beau et immense ! Des mots que nous utiliserons souvent…

Patti, notre amie de longue date, et son compagnon Steve nous attendent patiemment à l’aéroport de Portland, Oregon. Il est minuit et demi, heure locale. Nous accusons un décalage horaire de 9h. Une heure de route nous mène chez Patti à Salem. Nous nous couchons à 4 heures du mat’, après une journée de 31 heures !

Patti

Mon amie depuis 32 ans. Tu es presque une mère pour moi. Quand je t’ai connu, fin 1989, ton mari Ron et toi m’avez ouvert votre porte et votre cœur. Vous étiez mon ancrage à Salem, alors que je passais l’hiver en tant qu’étudiant libre à l’université de Chemeketa. Vous avez partagé avec moi la dinde de Noël avec son « stuffing » et son « gravy », tellement américain. Ron m’a invité à venir couper du bois avec lui, dans une prairie aux pieds de collines recouvertes de forêts aux couleurs d’automne, je me sentais libre, serein aux côtés de cet homme qui parlait peu, mais qui dégageait un tel calme, un aplomb, et tant de gentillesse. Au retour, dans son pick-up, une pluie d’orage nous offre un arc-en-ciel digne des plus beaux dessins d’enfants. 

Aujourd’hui, Ron nous a quitté, suite à un accident qui lui a fait endurer des années de souffrances, le corps immobilisé dans sa chaise roulante qu’il conduisait en soufflant dans une paille.

Ron, lors de notre visite en 2016

Tu es restée seule, mais jamais vraiment seule, car tu as tellement d’amis, que tu passes ton temps à aider. Ton cœur est immense Patti, tu nous as accueilli pendant 11 jours chez toi comme tes enfants et tu nous as soutenus, conduits, nourris, invités au restaurant, divertis, accompagnés dans les bureaux et les magasins. Ta maison et ton grand frigo trop rempli nous étaient généreusement ouverts. Tes 76 ans et tes rhumatismes douloureux n’atténuent en rien ton enthousiasme et ton inlassable envie d’aider tous ceux qui croisent ton chemin. Ah, si tous les humains étaient empreints d’autant d’amour dans leur cœur !

Patti, accompagnée d’Amparo, assistante en soins, qui s’est occupée des années durant de Ron avec une patience et un amour incomparables

Te reverrons-nous encore ? Nous t’avons quitté sur ce bord de route à Florence, cette ville d’Oregon sur la côte pacifique où tu as grandi, accompagnée de ta fidèle amie Darlene. Notre reconnaissance à ton égard est au-delà des mots. Puisses-tu encore vivre de nombreuses années de bonheur et de partage.

Notre bus camping

Quel véhicule peut permettre à une famille de quatre de voyager au meilleur prix, avec la consommation d’essence la plus basse, de pouvoir parquer sur presque n’importe quelle place de parc, mais de nous permettre de voyager au long cours avec suffisamment d’espace et de confort, d’accueillir toutes nos affaires pour 6 mois et toutes les météos, d’y cuisiner et stocker nos aliments et la vaisselle, d’y dormir en ville comme en nature, d’y faire un brin de toilette et être dotée de WC ???

Le VW Rialta 1999

Nos recherches avaient commencé bien avant notre départ de Suisse. Tout comme en Europe, la situation sanitaire de 2020-2021 a incité de nombreux Américains à se tourner vers le camping. L’offre est maigre et les prix élevés. Aux USA, les RV (recreation vehicle) sont classés dans trois catégories : 

A : les gros véhicules format autobus
B : les « vans », les plus petits, mais aussi les plus rares et les plus chers
C : les camping-cars, avec capucines au-dessus de la cabine, qui sont parfois aussi grands que des type A. 

6,60 m de long, mais pas trop haut

Nous ne pouvions nous imaginer rouler 6 mois dans un immense machin consommant 30 litres aux 100 km. Un modèle vu sur internet nous avait fait « tilt » : il s’agissait d’un Volkswagen Rialta. Imaginez un bus VW, mais avec un habitacle plus haut, plus large et plus long. Vitesses automatiques 4 rapports, moteur V6 de 2,8 litres essence développant 174 ch. Jocelyne avait contacté les vendeurs de ce véhicule depuis la Suisse, mais sans prendre d’engagement. Malheureusement, quand nous arrivons en Oregon, l’annonce du VW disparaît du net et deux autres VW Rialta que nous avions vu avaient été vendus. 

Nous louons une voiture pour deux jours et partons faire les revendeurs de RV sous la pluie. Rien ! Que des immenses bus et des prix de fous. 40’000 dollars et plus. 

Café matinal devant notre bus dans les Alabama Hills, Est de la Californie

Soudain, l’annonce du Rialta (le premier que nous avions vu) réapparaît, mais pour plus cher qu’avant. Nous contactons l’agence et allons le voir le lendemain, à Portland. Nos 4 cœurs font tout de suite OUI ! Il est de 1999, mais son état est vraiment correct Après une course d’essai et une négociation du prix, nous apportons un acompte de 900 dollars à la propriétaire. Deux jours après, il nous est livré sur un parking de supermarché, le jour de l’anniversaire de 13 ans de Noé, le 23 avril. Il est juste parfait pour nous ! Encore 3 jours pour régler les assurances, l’immatriculation à notre nom, le laver et le charger et nous sommes prêts pour l’aventure ! Nous quittons Salem Oregon le 27 avril 2022.

On a chargé des pouceux !

Le lendemain de notre départ de Salem, lancés sur la Highway 101 South, nous apercevons deux autostoppeurs. Après une brève hésitation, nous nous arrêtons et les embarquons. Quelle chance, ce sont deux jeunes étudiants québécois, en route vers la Californie. Thomas et Heyoan nous accompagneront pendant 5 jours, jusqu’à San Francisco. Nous passons la première nuit au bord de l’océan, il pleut depuis l’après-midi, jusqu’au lendemain matin. Nos compagnons trouvent un coin caché dans la végétation surplombant l’océan pour planter leur tente. Nous partageons tous les repas à 6 dans notre bus camping. Nous traversons et visitons ensemble les Redwoods (forêts d’immenses séquoias au Nord de la Californie, comprenant les plus grands arbres du monde, vraiment incroyable !).

À peine partis dans notre bus que nous apprenons à y vivre à 6 !

Le deuxième soir, nous prenons une place dans un camping (un peu l’arnaque, mais il n’y a rien d’autre loin à la ronde). Une harde de cerfs (une espèce américaine, les « elk »), broute et évolue juste à côté en toute quiétude. Étonnante et magnifique apparition !

On entre en Californie sous la pluie accompagné de Thomas et Heyoan

Bonnes discussions agrémentées d’expressions bien québécoises (on a chargé deux pouceux), des bons rires avec ces jeunes toujours contents, pas pressés, pas compliqués, drôles et enthousiastes. 

Le 3 mai 2022, nous arrivons devant le mythique Golden Gate Bridge, San Francisco !

Homeless

(Jean-Michel) Lors de mon voyage aux USA il y a 32 ans, j’avais d’ores et déjà été frappé par le nombre de clochards dans les rues des grandes villes. Aujourd’hui, leur nombre semble avoir décuplé ! Des tentes de camping occupent certains trottoirs des centres-villes, on les trouve dans les parcs, sous des tunnels, au bord des autoroutes, et dieu sait où encore…

Leur grand dénuement est choquant, mais c’est surtout leur état de décrépitude physique et psychique avancée, leur démence, le vide dans leur regard, leur tristesse infinie… Combien de vies foutues, sans espoir aucun de retour à une certaine normalité, à végéter dans cette puanteur et cette misère, à quelques dizaines de mètres des gratte-ciels des grandes banques ou de restaurants chics. 

Centre de Porland, Oregon

La ville est violente dans ses extrêmes, elle nous frappe de plein fouet et nous abassourdi. Comment le banquier millionnaire et le misérable peuvent-ils se croiser tous les jours, peut-être pendant des années, sans qu’à un moment donné, le riche ait envie d’approcher le pauvre pour lui demander comment il pourrait l’aider ?

Nous ne sommes que de passage ici et quitterons très bientôt cette ville, pour d’autres horizons. Mais cette femme, folle, édentée, habillée de haillons, qui hurlait sur le trottoir, quelle histoire l’a amenée là ? Sortira-t-elle un jour de son quartier ? 

Downtown Los Angeles

Notre amie Patti et les gens que nous avons côtoyés sont embarrassés par tous ces « homeless », et n’y voient pas de solution. D’après eux, la situation s’est considérablement détériorée depuis le Covid, et de nombreux citoyens américains ne bénéficient toujours pas d’assurance maladie. 

Notre ami John nous explique que la situation s’est notablement détériorée dans les années ’80 lorsque le président Ronald Reagan a décidé de réduire les coûts de la santé et a fermé des hôpitaux pour malades psychiatriques. Ces personnes se sont retrouvées dans la rue, sans assistance ni ressources. Un acte à peine croyable dans un pays dit « civilisé ». Depuis la situation n’a fait qu’empirer, et aujourd’hui, des enfants naissent dans ces taudis urbains. De la vie, ils ne connaissent que la rue, la misère, la mendicité et leurs chances de s’en sortir est quasi nulle. Il y bien des bénévoles qui cherches à les aider mais les moyens ne sont pas à la mesure du problème…

Sous un tunnel au centre de Los Angeles. Juste au dessus, les gratte-ciel du centre économique

John et Rose

Lors d’une halte dans un camping au bord de l’océan, un peu au nord de Los Angeles, nous sympathisons avec deux couples californiens, chacun équipe d’un RV (recreation vehicle) de la taille d’un autobus, pour deux personnes. Ils nous invitent à souper et à visiter leur bus. Cuisine complète, frigo plus grand que celui de notre maison, king size bed, salon, table à manger, 2 télévisions, etc. Bon, c’est beau mais ça pèse 10 tonnes et ça consomme min. 30 litres au 100 km. C’est bien quand c’est parqué, mais faut par trop rouler avec. 

Notre bus devant la maison de John et Rose, à côté de leur RV

Avant de se quitter, ils nous donnent leur adresse, à Los Angeles. Trois jours plus tard, nous les appelons et pouvons venir nous poser chez eux. Contents et fatigués, c’est le moment de nous remettre à neuf. Notre véhicule est sale, nous n’avons pas pris de douche depuis 3 jours, besoin de faire la lessive, de vider les eaux grises (eaux de vaisselle) et noires (WC) du véhicule, de refaire le plein d’eau fraiche, etc. 

En compagnie de nos nouveaux amis et hôtes pour 2 jours

Nous restons deux nuits et un jour, profitons même de leur piscine, des bons repas (spécial végétarien pour nous). John et Rose sont arrivés comme des anges sur notre route, ils étaient aux petits oignons pour nous, même à réparer un store du bus et chercher une panne. De plus, nos sensibilités et nos valeurs sont proches, notamment sur l’éducation, les questions sur l’environnement et l’avenir, la politique, etc. Un immense merci à eux pour leur accueil généreux !

Los Angeles, une ville construite dans un désert. 

John nous a notamment appris que la ville de Los Angeles n’aurait jamais connu son développement si un certain William Mulholland n’avait pas eu l’idée d’aller chercher de l’eau dans la Sierra Nevada, la chaine de montagnes riche en eau et glaciers située à l’est de la Californie, où se trouve notamment le fameux parc Yosemite. Il y fit construire un aqueduc en 1913 qui permit le rapide développement de la ville. Aujourd’hui, l’eau vient à manquer, les précipitations diminuent dans la Sierra, où un lac a été asséché à cause de l’aqueduc. À Los Angeles, les restrictions d’arrosage sont courantes et John se demande s’il ne devrait pas transformer sa piscine en jardin potager…

John et Carmen

Nous partons au sud de Los Angeles, où nous espérons trouver les conditions pour nous baigner dans l’océan avant de le quitter pour de bon. Pas de bol, il pleut à Laguna Beach, alors qu’il ne pleut quasiment jamais dans la région. Le Pacific ne veut décidément pas de nous.

Après avoir retraversé l’immense agglomération de Los Angeles, nous arrivons à Lancaster, dans les désert, chez John et Carmen, l’autre couple que nous avions rencontré au camping il y 10 jours. Leur propriété comprend une immense maison et trois garages. John adore la mécanique, le motocross et les voitures de courses. Nous passons 2 jours, comme à l’hôtel, chez eux, à jouer au « mini-billard » et au ping-pong. John m’aide à installer 2 étagères dans l’armoire de notre bus. Un grand merci les amis pour votre soutien et les bons moments de partage.

Le lac Owens et l’aventure…

Après Los Angeles, nous reprenons la route vers le Nord-est afin d’aller voir les Alabama Hills et le Mont Whitney, (4’418 m) le plus haut sommet des USA, mis à part les sommets de l’Alaska. Peu avant d’arriver à Lone Pine, nous apercevons un lac salé, qui semble être un endroit idéal pour passer la nuit. 1 km sur une route en terre battue puis sur les bord secs du lac. Soirée merveilleuse…

Un parterre fleuri avant une surface crouteuse blanche, et…personne !
Les enfants font un feu avec des beuses de vaches séchées, ça brûle bien !
Nuit à la belle-étoile pour Noé, Florentin et le papa. Le soir, je suis allé rechercher des traces de « rattlesnake », mais rien, le lieu avait l’air sûr.

Le lendemain commence tout aussi bien. Vers 10h, nous nous mettons en route, mais après 100 m, le bus s’enlise dans du sable, aïe, j’ai chaud et je crains la suite.

La situation est critique !

En effet, nous essayons de le sortir de là, avec tout ce que nous avons sous la main, des sacs, des tapis. Puis Florentin pense au cric, nouvel espoir : si nous arrivons à soulever suffisamment la roue, nous pourrons glisser des pierres au-dessous et peut-être repartir à reculons. Malheureusement, après tout ce travail préparatoire (on commence franchement à rôtir au soleil et à s’épuiser), la pierre glisse sous la roue, qui plonge encore plus profondément dans son trou.

Le cric, précieuse aide pour placer des pierres sous la roue ensablée, mais ça ne suffira pas !

Jocelyne et moi montons sur la route afin d’appeler du secours. Le 5e pick-up qu’on hèle s’arrête. Don est OK de nous aider. C’est avec une petite sangle, accrochée entre son gros pick-up et notre crochet arrière qu’il nous sort d’affaire. Ouf, l’aventure a duré presque 4 heures ! Quant à l’assurance et le dépannage, oubliez ! On doit remplir un questionnaire de 8 pages en ligne et impossible de parler à quelqu’un. Une fois de plus, c’est l’humain, dans sa générosité spontanée qui est le plus efficace, et pas le soit-disant « progrès technologique » ! Un immense THANK YOU DON, tu nous as sauvé !

Avec Don, l’envoyé (ou le don) du ciel, après l’épreuve.

Il faut ajouter que, malgré la situation, nous avons travaillé de manière solidaire, avec un magnifique engagement des enfants pour nous sortir d’affaire, le tout dans la bonne humeur !

Alabama Hills

Les Alabama Hills sont des formations granitiques étonnantes et spectaculaires, qui ont servi de décor à de nombreux westerns. On s’y arrête pour une nuit, levé à l’aube pour l’ambiance et la beauté des lumières dans ce désert silencieux. Le lieu se prête aussi à la grimpe sur une surface particulièrement adhérente. C’est magique et on se régale !

Le rêve !
Lever de soleil sur le Mt Whitney, 4418 m, dans la Sierra Nevada

Death Valley

Endroit unique au monde, connu pour ses records de températures, son point le plus bas des USA (-84 m « d’altitude »), ses montagnes multicolores, son aridité.

Nous n’avons pas été déçus ! 48°C à notre arrivée à Stove Pipe Wells, une chaleur extraordinaire, un vent sec (12% d’humidité relative), une ambiance de désert absolue. Un motard solitaire a crevé il y 10 miles de là, et, faute d’outils, il a roulé sur son pneu plat jusqu’ici. Nous l’aiderons pendant 2 heures à remplacer sa chambre à air. Il s’appelle Ernesto et vient d’Espagne. Des gens nous apportent à boire, le vent souffle, il fait 48° C à l’ombre. En fin d’après-midi, Ernesto peut repartir, on lui laisse nos outils.

Il est trop tard pour aller plus loin. Et un camping est sur place. Le soir, il fait toujours 46°C, on met en route la climatisation du bus, mais elle ne nous souffle que de l’air chaud dessus. La nuit sera pénible. De plus, la tempête de sable ne nous laisse pas la liberté d’ouvrir grand portes et fenêtres.
Je me souviens alors des chaussettes mouillées que nous mettions autour des gourdes du vélo afin de rafraîchir l’eau, lors de ma traversée du Kurdistan turc en été 2003 par 45°C. Je mouille nos linges et nous nous en couvrons pour la nuit, l’effet rafraîchissant est fantastique. Au milieu de la nuit, nous les mouillons à nouveau, car ils avaient déjà séché !

Le lendemain, nous nous levons à 4h30 pour aller admirer le lever du soleil sur des dunes, à 1,5 km de là. Il ne fait « plus que » 32°. Le spectacle, dans un silence de rêve, est sans nom…

Las Vegas, no more

(Jean-Michel) La grande ville construite au milieu du désert au sud du Nevada attire des millions de touristes par année, essentiellement pour ses hôtels fastueux et ses casinos. Nous y sommes arrivés, hasard du calendrier, le week-end prolongé par le jour de la célébration des soldats morts pour la patrie, un lundi férié. Les avions affluent, les hôtels sont pleins et les prix grimpent. Deux pôles attirent les foules : downtown, ou Fremont street, une rue entièrement couverte d’un écran lumineux en forme de voûte où bars, concerts de rock, artistes de rues, boutiques, magasins de souvenirs, revendeurs de cannabis, restos, stripteaseuses et chippendales (pour se faire photographier et se faire payer par les touristes) se suivent dans une effervescence bruyante, éclectique et alcoolisée. La rue est bondée, l’odeur du cannabis vous remplit le nez et tout est permis au niveau de la tenue vestimentaire (pour ce qu’il en reste pour certain-e-s…). 

Ambiance électrique à Downtown Las Vegas

L’autre axe d’attraction est naturellement le « Strip », où les hôtels-casinos à thèmes, plus fastueux les uns que les autres se succèdent, rivalisant d’originalité architecturale et de grandeur, bardés d’écrans géants, de lumières et de musique. 

Nous y passons deux soirées, la première à Downtown, la deuxième sur le Strip, essayant d’aller jouer quelques sous dans un casino, pour le plaisir des enfants. Peine perdue, le temps des machines à sous, où l’on pouvait miser 25 ct et tirer le bras du « bandit manchot » est révolu, il n’y a plus de monnaie, tout se fait par carte pré-payée, et nous nous sentons tellement étrangers à ces machines à sous que nous y renonçons. De plus, les enfants ne sont pas admis dans les salles de jeux. Dans la rue, les spectaculaires enseignes lumineuses que j’avais connues il y 32 ans ont été remplacées par des écrans de publicité géants beaucoup moins esthétiques, une autre déception. 

Une famille fatiguée après deux soirées agitées

Las Vegas me laisse un arrière-goût de sale et décadent. Tout y est artificiel et pensé pour soutirer un max d’argent au visiteur. L’énergie du lieu est telle (surtout électrique !) qu’on ne peut s’y reposer. Comble de débol, nous souhaitions assister à un match de basket de la WNBA (Las Vegas – Connecticut), et après des heures de recherche de billets, d’abord sur internet (infructueux, car notre carte de crédit n’est pas acceptée), puis en essayant de trouver le stade pour y acheter des billets sur place, nous arrivons à l’heure de la fin du match ! L’info sur leur site était erronée, ou on a mal lu. On quitte ce soir Las Vegas déçus, frustrés et fatigués. Retournons vite dans la nature et allons découvrir le Grand Canyon ! 

Le Grand Canyon

(Jean-Michel) Une des sept merveilles du monde, dit-on, en tout cas un incontournable pour tout visiteur des USA. Nous arrivons aux abords du parc en soirée, après une longue route, notamment sur un bout de la fameuse Highway 66. Plutôt que de vite aller voir le canyon en étant fatigués, nous allons nous parquer dans une forêt avoisinante pour la nuit. Nous nous levons à 3h00 du matin afin de pouvoir admirer le lever du soleil sur le Grand Canyon, prévu pour 5h10 ce 3 juin. Des bus navettes gratuits emmènent les touristes le long de la rive sud toutes les 10 à 20’ et les déposent aux différents points d’observation disséminés sur le parcours. Nous sommes curieusement seuls dans ce bus de 4h30. Le spectacle nous attend, dans la fraîcheur du matin (on est à 2085 m). Les ombres font lentement place à des couleurs pastelles, le canyon est là, dans son immense somptuosité et son silence. Le soleil point à l’horizon, malheureusement des nuages viennent quelque peu pâlir le spectacle. C’est tout de même grandiose, incroyable, immense, puissant. 

Nous rentrons à 8h au bus morts de fatigue. Nous nous rendons au seul camping du parc, pour lequel il est normalement nécessaire de réserver sa place 6 mois à l’avance. Nous ne pouvons fonctionner avec des réservations par internet des mois à l’avance. Notre voyage ne peut pas être fixé, cadré, agendé à si longue échéance. Ce serait se contraindre à suivre un rythme donné et se restreindre dans la spontanéité des rencontres ou des lieux inattendus. 

Une « dernière » place est disponible dans le camping, chouette ! Plus tard dans la journée, nous nous apercevons que le camping est à moitié vide. Les gens réservent à l’avance puis ne prennent pas la peine d’annoncer qu’ils ont changé de programme, de nombreuses places restent ainsi vides dans un camping officiellement complet.

Le Grand Canyon est un monde en soi. Visible depuis la lune, il mesure 450 km de long pour une largeur moyenne de 16 km et une profondeur de 1’600 m, c’est le superlatif des canyons. Vu d’en haut, on dirait un désert, certes beau dans ses formes et couleurs, mais austère et dénué de vie. Un fois à l’intérieur, la vie est surprenante de diversité : des oasis, 1’750 espèces de plantes, 90 espèces de mammifères et 362 espèces d’oiseaux. 

La montagne à l’envers

Un « trek » dans le canyon s’avère plus difficile que d’aller en montagne. Simplement parce qu’on y descend d’abord et que la remontée se réalise avec la fatigue de la descente. Mais aussi parce que plus on descend, plus la chaleur est étouffante, jusqu’à passé 45°C en été. J’y suis descendu 950 m de dénivelé avec Noé (de 2’085 m à 1’150 m) jusqu’au lieu-dit « Indian Gardens », une véritable oasis en plein canyon. On s’écrase de fatigue sur des bancs à l’ombre à peine arrivés. Inutile de remonter trop vite, il ferait trop chaud. On attend 15h30 pour se lancer dans la montée. La rive sud, notre « sortie » du canyon, nous paraît bien élevée au-dessus de nous. Le rythme est lent, les pauses de plus en plus nombreuses. Nous arrivons à la rive à 19h15, juste au coucher du soleil, ouf !

J’aimerais bien passer plusieurs jours dans ce milieu grandiose et unique afin de m’en imprégner davantage. Des treks de plusieurs jours sont possibles, notamment d’une rive à l’autre. En même temps sauvage, dangereux et d’une splendeur invitante, il ne peut laisser indifférent. 

Un écureuil terrestre, vraiment pas farouche, nous attend sur le chemin du retour
Le chamois local, également habitué à la présence humaine

Un canyon est un livre géologique ouvert, toutes les couches y sont visibles. Il n’a fallu « que » 5 millions d’années au Colorado pour creuser ces couches calcaires relativement tendres. Nous le quittons le lendemain, en longeant sa rive sud, ponctuant notre route d’arrêts afin de l’apprécier sous des angles chaque fois surprenants. 

Le Canyon de Chelly

(Noé)

Intrépide, Malicieux, Indépendant, qui mangent à la première occasion… Cette description s’applique tout autant à moi qu’à mon compagnon du jour que j’ai du apprendre à connaître en deux heures. On a eu la chance de faire un tour à cheval dans le canyon de Chelly, en pleine réserve navajo. Jocelyne et Florentin eurent les chevaux les plus dociles, Jean-Michel et moi-même avons hérité des autres. Au début, j’ai eu du mal avec le mien, mais la majorité du temps j’eus du plaisir. En plus de cette expérience inoubliable, le canyon est vraiment splendide. Tous ceci nous donne envie d’aller travailler dans un ranch. Le but est d’être nourri-logé en échange de quelques heures de travail par jour, le tout est organisé par une plateforme internet (wwoofusa.org).

Notre initiation dans le Canyon de Chelly

Une pause à Montrose

On ne peut pas qu’avancer dans un voyage. Des pauses sont nécessaires afin d’intégrer toutes les images, les émotions et impressions que nous glanons jour après jour et nous reposer. Après deux mois sur la route, dans les villes et les parcs, nous avions besoin de nous arrêter. La plateforme « Workaway » met en lien des voyageurs et des personnes cherchant de l’aide dans divers domaines en échange d’un lieu où dormir et d’une douche (je résume). Nous trouvons Russell et Heather Evans et leurs enfants Genevieve et Edwin à Montrose, dans l’Est du Colorado et nous restons « dans » leur garage, et un mini-studio attenants durant 6 jours. En échange, nous ferons quelques heures de jardinage chez eux. Très belle rencontre, de bonnes discussions, des parties de foot, une sortie en montagne, un concert, du surf en rivière, des repas partagés et des bons filons pour des sorties en montagne. Très cool et totalement spontané, Russell est un homme multi-talentueux et possède un parcours professionnel aussi diversifié que moi. Heather est physiothérapeute. Une famille un peu hors du commun, ouverte, sportive, qui se déplace à vélo et qui a des panneaux solaires sur leur toit et une voiture électrique. On les aime beaucoup !

Avec Heather et Russell

Une semaine avec les chevaux

Notre randonnée de deux heures à cheval dans le canyon de Chelly en Arizona nous a amené à rechercher un ranch où nous pourrions troquer des heures de travail contre des heures d’équitation. De nombreuses heures de recherche d’adresses de ranchs en Utah et au Colorado ainsi que des mails envoyés aux ranchs propriétaires de chevaux nous menèrent à pas grand chose. Un couple dans la région de Montrose au Colorado nous proposa deux semaines de travail harassant à débarrasser un champ des pierres et troncs qui le jonchent contre une semaine d’équitation. Ce qui impliquait une halte de trois semaines. Russell, chez qui nous logions à Montrose nous proposa d’aller rencontrer le ranch où sa fille Genevieve fait de l’équitation. Une vision de rêve s’offre à nous à notre arrivée. Un corral de 32 chevaux, un grand pré à côté et un accueil chaleureux de la part de Jodie et David, les propriétaires. Le « contrat » est vite trouvé : Nous nettoierons les crottins du corral et du paddock le matin et le soir et nous aiderons à suspendre les filets de foin 2-3 fois par jour. Jodie et David sont sur-occupés et ne pourront pas nous accorder beaucoup de leur temps. Nous pourrons par contre passer tout le temps que nous souhaitons à nous occuper des chevaux et les monter.

Le ramassage de crottins, deux fois par jour !

Quelle atmosphère particulière que d’entrer dans un corral où tous les chevaux évoluent librement et sans séparations entre-eux. Jodie nous apprend les rudiments et le lendemain, nous passons trois heures avec elle et les chevaux. Nous nous asseyons chacun sur une chaise dans le paddock et laissons pendant au moins 30’ les chevaux nous tourner autour, nous humer, et choisir « leur » cavalier. Chacun de nous brosse son nouveau compagnon et le prépare à être monté. Puis, nous vivons notre 1re heure d’équitation, sans selle, juste avec une couverture, afin de mieux sentir les mouvements du cheval.

Le bonheur dans le pré

Ici, pas de mords, ni de fers, ni cravache ni éperons. Les chevaux vivent leur retraite paisiblement (la moyenne d’âge est de 22 ans et l’un d’eux a même 34 ans !) et jouent un rôle thérapeutique sur le lieu et les gens qui les côtoient. Nous bénéficions d’une séance de thérapie énergétique, couchés sur des tables de massage au milieu du corral, et les chevaux qui vont et viennent autour de nous, touchant délicatement de leur museau les zones de notre corps ayant besoin de soutien. D’après Jodie, le rayonnement énergétique des chevaux est perceptible à plus de 100 mètres, alors que le nôtre ne l’est qu’à quelques dizaines de centimètres. Ce lieu, avec plus de trente chevaux, rayonne d’amour et de paix et donne immédiatement envie d’y rester.

Notre balade de 3 heures au rythme paisible

Nous vivons dans notre bus, parqué dans la propriété et, pendant 7 jours, nous nous levons à 6h30 pour aller ramasser des dizaines de crottins et accrocher des filets de foins aux barrières du corral. Nous faisons des heures d’équitation dans le paddock (surtout Florentin et moi) et le dernier jour, nous partons faire une balade à cheval de 3 heures dans le canyon avec Anna, une sympathique adolescente habituée au ranch. Personnellement, je pourrais randonner des jours ainsi à cheval en pleine nature. Quel bonheur !

Mon brave compagnon s’appelle Earl

Notre voyage doit se poursuivre et nous quittons le cœur gros ce lieu magique et ses habitants. Jodie et David, plus près de 60 ans que de 50 et pleins d’arthrose, gèrent à peu près seuls ce ranch et ses 32 chevaux et poneys. Un dévouement sans compter, 365 jours par an, une gentillesse et une douceur dans le regard, une disponibilité et une générosité sans limites et surtout un respect éclairé du vivant. Merci du fond du cœur à vous deux pour nous avoir permis de vivre ces instants uniques et régénérateurs.

La biche

Elle était là, au bord de la route, peut-être depuis un moment. Nous sommes lancés autour de 80 km/h, je l’aperçois et la vois s’élancer sur la route, je plante et crie « NOOON ! » mais elle est trop près, et le choc est inévitable. Le bus heurte la biche en plein corps, elle roule sur la route, le bus s’immobilise. Elle se relève et court se réfugier sur le talus opposé. Ouf, elle a l’air OK, et ses pattes n’ont pas été touchées. Un peu plus loin, on s’arrête pour constater les dégâts au véhicule. Ça aurait pu être bien pire, mais tout de même !

Le truc, c’est que notre bus date de 1999 et les pièces détachées de véhicules européens sont de surcroît rares. Nous attendons Salt Lake City pour nous lancer dans la recherche de pièces et la réparation. Nos investigations nous prendront une journée entière, à circuler dans l’agglomération de Salt Lake à la recherche de garages et carrossiers et à faire des téléphones auprès de 10 interlocuteurs plus l’agent d’assurance. Pas drôle pour les enfants (ni pour nous) mais ça fait partie du voyage. On doit ménager et soigner notre monture, si on compte aller au bout du voyage et la revendre pour un prix correct.

Le Colorado, la Suisse des USA

Depuis Montrose, les montagnes sont visibles à l’horizon. En 1h30, nous rejoignons Ouray, surnommée « Switzerland of America ». Un village-station, situé à 2’300m d’altitude sur une route de col, entouré de montagnes. La ressemblance avec nos montagnes est vraiment frappante, mais quand on regarde le village, on ne peut pas confondre…

Ici, les gens sont sportifs et sveltes, ils pratiquent la randonnée, la grimpe, le canyoning, le VTT. On retrouve des repères et une ambiance connus. Avec Russell, Heather et leur enfants, nous entamons une petite rando jusqu’à un ruisseau, qu’une pluie d’orage vient abréger. (ça aussi, c’est un repère…). Nous finirons la journée à jouer du basket dans les bains thermaux de la station.

La Red mountain, au sud de Ouray, Colorado

Le lendemain, une rando circulaire de 3h30 au-dessus d’Ouray nous met bien en jambes pour notre prochain projet : les Ice lakes. La route du Red Mountain Pass nous fait monter à 11’018 pieds (3’300 m !) avant de descendre en direction de Silverton. Cette région fut le théâtre d’un exploitation minière intense vers la fin du 19e siècle (alors que la zone était encore en territoire amérindien) car un filon riche en argent avait été découvert.

Après 5 km de route en terre battue, nous nous parquons sous la pluie au bord d’une rivière, nous sommes à 3’000 m. Réveil à 6h00, la journée sera longue, et il fait beau ! L’unique chemin monte à travers une forêt d’épicéas, dont toute une zone a été incendiée il y quelques années. Marcher au travers de tronc couchés calcinés laisse une impression particulière, mais les forêts américaines ont depuis toujours subi ces aléas naturels régénérateurs, souvent provoqués par la foudre.

Traversée d’un forêt incendiée il y a quelques années

En certaines régions, des feux maitrisés sont volontairement initiés par les services des forêts afin que le cycle puisse s’opérer. Au-dessus, nous traversons un plateau à végétation haute et traversé par des cours d’eau pure. La limite de la forêt se situe à 3’600 m, soit quelque 1’400 m plus haut qu’en Suisse. Mais nous nous situons au 38e parallèle de latitude Nord, soit à la « hauteur » de Palerme en Sicile. Les Ice lakes, d’un bleu et d’une limpidité extraordinaires nous accueillent dans leur écrin naturel intact.

Ice Lake, 3’800 m

Il n’y a pas de cabane de montagne, ni buvette, ni alpage, ni vache, ni remontées mécaniques, rien que la nature et quelques randonneurs. En chemin, nous n’avons rencontré aucun déchet, bien que le chemin soit bien fréquenté. La montagne ici n’est pas exploitée, on y accède en toute simplicité et on redescend.

En famille à la cote 4000 m !

Nous montons au dernier lac, situé autour de 3’850 m et poussons l’aventure en grimpant dans la caillasse sur le flanc du Mont « Truc » Jusqu’à la cote 4’000 m ! C’est notre premier 4’000 m en famille, accessible à pied, sans alpinisme, une situation que ne se présente pas facilement dans les Alpes.

Avec les garçons, nous poussons jusqu’au col nous surplombant, sous des nuages menaçants et redescendons en glissant sur les névés. La descente sera encore longue jusqu’à notre bus.

Le voyage en famille

C’est d’abord être à quatre presque tout le temps. C’est aussi, et surtout, vivre à quatre dans 9 m2, et y avoir tout notre matériel. Notre bus-camping, c’est notre maison, notre cuisine, frigo et cuisinière, nos armoires, nos lits, notre réserve de nourriture, nos chaussures, nos ordinateurs, jeux, livres, cartes et guides, nos WC et salle de « bain », notre voiture, notre stock d’eau, de propane, de carburant, nos poubelles, nos égouts. C’est notre espace « à nous », où que nous soyons (sur un parking en plein Los Angeles, ou au milieu d’une forêt de pins). Quand nous quittons notre « bus », nous faisons une petite prière pour que rien ne lui arrive en notre absence, car tout notre voyage en dépend.

Il est intéressant de pouvoir « simplifier » la vie matérielle d’une famille à un petit véhicule maniable comme une voiture. Pendant combien de temps pourrons-nous le faire ? Tiendrons-nous six mois ainsi ? La promiscuité mène à d’inexorables tensions et nous devons faire preuve d’inventivité pour détendre certaines situations. Trouver un rythme, ni trop de choses « à faire » ou « à voir », ni trop peu. Les enfants se lassent plus rapidement que nous d’un endroit, aussi magnifique soit-il, et nous devons l’accepter.

Avancer tout de même, tout en évitant de rouler trop d’heures par jour, bouger, être dehors, laisser la place aux rencontres et discussions spontanées, jouer avec les enfants, assurer la « logistique » quotidienne (faire des achats dans des magasins que nous ne connaissons pas, donc tout est plus long, faire les repas et la vaisselle, convertir nos sièges en lits, nous laver, faire la lessive, se documenter sur les lieux à découvrir, gérer l’itinéraire, trouver les lieux pour s’approvisionner (eau, nourriture, carburant, propane) et ceux pour évacuer les déchets, eaux grises et noires dans les lieux appropriés, tout cela prend beaucoup de temps.

La moitié du voyage

Ça y est, on est le 13 juillet 2022, nous avons vécu exactement la moitié des 180 jours que notre visa nous autorise à rester sur le territoire des Etats-Unis. Nous sommes à Salt Lake City et nous fêtons ça dans un bon restaurant italien « Michelangelo ». Que de souvenirs déjà glanés, que de magnifiques paysages traversés et de moments inoubliables partagés. Toutes les personnes à qui nous racontons notre voyage disent « That’s amazing ! » (c’est incroyable, génial !). Oui, c’est incroyable, pourtant, pour nous, c’est devenu notre quotidien. Pas toujours facile, pas toujours génial, mais nous savons qu’il y a des moments « bof » ou qui font juste partie du quotidien à traverser pour nous permettre de vivre ensuite des expériences extraordinaires et uniques.

Les enfants traversent une période de mal du pays depuis quelques jours. Une lassitude, voire de la déprime. Ils parlent souvent de la maison, de la nourriture qu’on trouve en Suisse, et, pour Florentin, de ses copains qui lui manquent.

Nous avons roulé 5’000 miles (8’000 km) depuis notre départ en Oregon, il y 2 mois et demi. Pas tant que ça au final, ça nous fait à peine plus de 100 km par jour en moyenne, il y a beaucoup de gens qui roulent plus que ça juste pour aller au boulot !

Le Grand lac salé

Le Great Salt Lake est le plus grand lac de l’ouest américain. Vestige d’un immense lac post-glaciaire, aucun fleuve ne l’alimente et ses eaux n’ont également aucun débouché. Son niveau est le résultat des apports en pluie et de l’évaporation et tend à s’abaisser notablement ces dernières années. Son taux de sel atteint 28% (un peu comme la Mer morte) contre 3% pour les océans.

Great Salt Lake

L’expérience de s’y baigner est peu banale ! Après avoir bravé la vase dans laquelle on s’enfonce jusqu’aux mollets, on s’allonge dans 40 cm d’eau chaude dans laquelle on flotte littéralement, sans efforts. Un tiers de notre corps est émergé et on pourrait s’y endormir sur le dos sans problème, c’est assez mythique ! Mais attention de ne pas recevoir de l’eau dans les yeux ou de boire la tasse…

Aucun poisson ne peut dans ce milieu, par contre des algues rougeâtres s’y sont adaptées. En tout cas, c’est une très belle et unique expérience pour nous !

Rencontre avec l’ours

Nous sommes dans le parc national du Grand Teton, juste au sud de Yellowstone, dans le Wyoming. Une région à ours ! Les visiteurs sont largement informés quant au danger que représente une rencontre avec un ours noir ou un grizzli. On s’équipe en « bear spray », qui peut projeter un type de gaz au poivre à une distance de 9 mètres en cas d’attaque.

Une balade d’une heure nous mène au bord d’un splendide lac de montagne, le Phelps lake, à 2’200 m. La ranger nous avertit de la présence d’ours autour du lac et les randonneurs que nous croisons attestent de leur rencontre avec la « bête ». Un mélange d’appréhension et d’excitation aiguise nos sens. Les enfants, peu motivés à marcher ce jour veulent s’arrêter une fois arrivés au lac, Jocelyne reste avec eux. Je m’aventure sur le sentier et croise un couple ayant rebroussé chemin suite à avoir vu l’ours sur le sentier. Trop bien ! Je poursuis seul en espérant faire enfin sa rencontre. 10’ plus loin, toujours rien. Je retourne sur mes pas et croise un groupe qui l’a rencontré 100 m plus loin. Un père et sa fille sont là, et l’ours est à 20 m d’eux. Tranquille, il semble nous ignorer et s’affaire à chercher de la nourriture. Le père et sa fille repartent et je suis seul avec l’ours.

Il dégage un sentiment de puissance, de calme et sa seule préoccupation semble être de manger. Je l’admire pendant bien 10’ et dois même reculer lorsqu’il traverse le sentier pédestre. Me trouver trop près de lui pourrait déclencher une attaque. Et le voir arracher d’un coup de patte du bois d’un tronc en décomposition ne laisse aucun doute sur sa force. C’est probablement la première fois de ma vie que je me trouve en présence d’un animal dont il faut craindre le comportement parfois imprévisible et le danger objectif qu’il représente pour les faibles bipèdes que nous sommes.

Je dois attendre qu’il s’éloigne suffisamment du sentier pour rejoindre ma famille. Extraordinaire rencontre ! Jocelyne et les enfants souhaitent également l’apercevoir, mais une fois rendus sur le secteur de la rencontre, l’ours avait disparu !

La meilleure idée américaine

Une idée née déjà avant la fin de XIXe siècle, dont le but est la préservation de la nature sauvage (la fameuse Wilderness) contre les effets du déploiement humain sur le territoire. Yellowstone (photos) est le premier parc national, créé en 1872, il y a 150 ans. En 1916, le service des parc nationaux est créé et les premiers Rangers voient le jour. Depuis, 63 parcs nationaux et des centaines de parcs d’état ont vu le jour. Grâce aux visionnaires de l’époque, ces immenses régions sont restées vierges d’habitations hormis les services mis à disposition des visiteurs.

Néanmoins, d’importantes infrastructures ont été mises en place pour servir la nature sur un plateau aux quelques 800 millions (!) de visiteurs annuels. Parkings, visitors centers et centres pédagogiques interactifs, réseaux routiers, WC, sentiers pédestres le plus souvent accessibles aux personnes à mobilité réduite, et selon les lieux, restaurants, hôtels, etc. Tout est fait pour permettre la visite la plus confortable, instructive et plaisante possible. Le défi est de taille : permettre à un maximum de personnes de découvrir et apprécier les beautés du pays tout en préservant de manière stricte ces milieux souvent fragiles. Et ça marche ! À côté des sentiers pourtant très fréquentés, le sol, la végétation, la faune même, sont intouchées, pas un déchet par terre, pas de branches cassées ou de sol piétiné. La faune s’est accoutumée à cette présence est n’a pas l’air d’en souffrir. Naturellement, de nombreuses règles bien respectées régissent ce rapport étroit entre le monde humain et la nature.

Les côtés négatifs de cette industrie des parcs sont un trafic intense, voire des bouchons en haute saison, une forte consommation (nourriture et boissons, hôtellerie, articles souvenirs made in China) et certaines activités motorisées (quads et autres véhicules tout-terrain, bateaux à moteur) en certains lieux. Les visiteurs viennent parfois de loin avec des gros pick-up et des immenses caravanes générant un impact carbone non négligeable.

Mais que seraient devenues ces régions si elles n’avaient pas été protégées ? Comme ailleurs, elles auraient été exploitées pour leurs ressources et colonisées définitivement. Le pays aurait perdu cet inestimable et unique capital naturel qui fait depuis longtemps partie de l’identité des Etats-Unis, et qui est la raison majeure de notre déplacement sur ce continent.

coucher de soleil à travers les fumeroles d’un geyser de Yellowstone,
sommes-nous encore sur Terre ?

Ces images donnent un petit aperçu des merveilles que nous avons découvertes ces derniers mois… Nous sommes souvent émus par tant de beauté et de richesses naturelles, le paradis est bien ici !

La suite…

Merci à Stéphanie, ma graphiste et webmaster, pour son aide à la mise sur pied de ce blog (www.madamepasteque.ch). La suite sera publiée au fil du voyage. Cliquez de temps en temps sur ce lien climatnature.ch/blog pour voir nos dernières nouvelles et photos. Jocelyne et les enfants mettront aussi leurs commentaires et photos/vidéos.

Vos commentaires et impressions sur ce blog sont bienvenus ! Merci d’écrire à jm.koehler@bluewin.ch

Amitiés et amour à toutes et tous ! Jean-Michel, Jocelyne, Noé et Florentin